Back to list

Detail of contribution

Auteur: Thomas ROBERT

Titre:
Linguistique saussurienne, évolutionnisme, communication animale


Abstract/Résumé: Les sciences cognitives ayant adopté le paradigme néo-darwiniste, les sciences du langage sont menacées par une assimilation aux neurosciences. En effet, le paradigme connexionniste, qui renvoie aux neurones, a remplacé l’approche computationnaliste initiale du cognitivisme. Partie intégrante des sciences cognitives, la linguistique actuelle ne peut manquer d’être intégrée et réduite au connexionnisme. La linguistique saussurienne peut représenter un moyen pour la linguistique de retenir sa spécificité. Une telle approche consisterait à concilier, ou à relire Saussure à partir d’une perspective évolutionniste. Ainsi, l’insistance de Saussure sur la nécessité de ne pas réduire la langue à une nomenclature ouvre la possibilité d’une définition du langage comme n’étant pas le fruit d’une adaptation. Le langage n’a pas pour but d’exprimer des concepts préexistants dont la communication présenterait un avantage dans le contexte d’une lutte pour la survie. A ce titre, Saussure est bien plus proche de Darwin que les théories affirmant que le langage est une adaptation. En effet, le naturaliste anglais fait naître le langage articulé de la première utilisation passionnelle de la voix, dans le cadre de la sélection sexuelle et non pas dans celui, adaptatif, de la sélection naturelle. De même, le rôle organisateur de la langue vis-à-vis de la pensée appelle à une réflexion sur le caractère linéaire de la parole dans son rapport avec d’autres modes de communication possibles, pouvant être constatés au sein d’autres espèces. L’éthologie pourrait ainsi se saisir de la linguistique saussurienne et ancrer cette dernière dans un processus évolutionnaire. Toutefois, comme l’a souligné Dominique Lestel, l’éthologie cognitive actuelle reste dans une perspective réaliste-cartésienne réduisant l’animal à une machine. Elle est à ce titre le pendant de la linguistique cognitive mainstream. L’étude de la communication animale, bien qu’intégrée dans une perspective évolutionnaire, commet l’erreur de considérer le mode de communication de tout animal comme le langage humain moins telle ou telle caractéristique. En revanche, une approche bi-constructiviste doit pousser l’éthologue à comprendre comment l’animal, considéré comme sujet, invente son propre monde et lui donne un sens. Si ce dernier est dépourvu de la parole, et de toute instance de communication linéaire, le cas est particulièrement intéressant. Il faut en effet montrer si le système, basé sur la valeur, peut s’articuler dans une simultanéité sémiotique. En définitive, l’approche bi-constructiviste, nouveau paradigme d’une éthologie en cours d’élaboration, pourrait permettre d’intégrer la linguistique saussurienne dans une théorie évolutionniste définissant le vivant comme intrinsèquement sémiotique.