Back to list

Detail of contribution

Auteur: Thomas ROBERT

Titre:
Darwin et l'origine du langage, une théorie passionnelle


Abstract/Résumé: Si Darwin est souvent réduit à un seul ouvrage, "L’origine des espèces", et à une seule thèse, la descendance avec modification au moyen de la sélection naturelle, les sujets abordés dans l’œuvre complète du naturaliste anglais sont multiples et variés. La question du langage, à peine présente dans "L’origine des espèces", et plus particulièrement la considération de son origine se voient attribuer une place centrale dans l’argumentation de "La filiation de l’homme". Le naturaliste s’intéresse au langage dans le contexte de la comparaison des facultés mentales animales et humaines. Or, loin de soutenir une thèse biologiste et de faire du langage une adaptation, Darwin propose, en un mouvement très rousseauiste, une théorie passionnelle de l’origine du langage. Si le philosophe genevois n’est jamais évoqué par Darwin, ce dernier prend en considération les théories de ses contemporains linguistes. Définissant le langage articulé comme une institution naturelle, à l’instar de Whitney, Darwin rend compte de son apparition par le rassemblement de trois facteurs, à savoir l’instinct communicationnel, la faculté d’imitation et l’utilisation de la voix. L’association de l’instinct communicationnel, provoquant cris et gestes pouvant être considérés comme un langage naturel, et de la faculté d’imitation auraient suffi à rendre compte de l’émergence d’un langage utilitaire dans une perspective purement adaptative. Cependant, Darwin insiste sur le fait que l’articulation du langage se fonde sur l’utilisation de la voix, sur le chant relevant de la sélection sexuelle. L’utilité du langage articulé résulte donc de son expressivité. L’origine profonde du langage articulé, son expressivité, inscrit le développement de ce dernier hors de la perspective adaptative. Le langage articulé apparaît dès lors tout autant comme résultat que comme motif d’une désélection de la sélection naturelle. Ce mécanisme apparaît au cours des deux chapitres de "La filiation de l’homme" consacrés à la discussion de l’acquisition du sens moral et des sociétés basées sur l’altruisme, caractère motivant des comportements anti-adaptatifs. La sélection sexuelle étant le lieu des comportements anti-adaptatifs pour l’animalité et le langage articulé permettant le développement de l’altruisme à travers l’expression de l’opinion et le développement des institutions, il serait parfaitement erroné de chercher dans la théorie darwinienne une justification de la théorie adaptative et utilitaire de l’origine du langage. En définitive, Darwin apparaît, à travers une lecture non caricaturale de sa théorie, comme appelant à une résolution ni biologiste, ni sociologiste de la question de l’origine du langage.